Chantage à l’emploi : le Sénat vire un lobby du Palais du Luxembourg

Les sénateurs durcissent le ton avec les lobbys qui pratiquent le chantage à l'emploi.
Les sénateurs durcissent le ton avec les lobbys qui pratiquent le chantage à l'emploi.

C’est une technique bien connue des parlementaires et de toutes les personnes qui fréquentent le Parlement. Pour faire pencher la balance en leur faveur, les représentants d’intérêts aiment utiliser l’argument de l’emploi. Dit de façon triviale, les lobbys disent « si vous adoptez telle ou telle mesure, vous serez responsable de la destruction de tant d’emplois ». On se souvient que l’industrie de l’homéopathie avait eu recours à cette technique au moment des débats sur le déremboursement de l’homéopathie

Les parlementaires sont généralement sensibles à cet argument : des emplois qui disparaissent, cela entraîne des départs de famille, des fermetures d’école, de commerce, des pertes de recettes fiscales pour les collectivités territoriales, une hausse du chômage, etc. 

Le comité de déontologie parlementaire du Sénat siffle la fin de la récréation de cet argument, en sanctionnant, pour la première fois, un représentant d’intérêts, qui n’a pas été en mesure de prouver la véracité de son propos.

Phyteis, anciennement Union des industries de la protection des plantes, avait sollicité plusieurs sénateurs — et probablement députés — dans le cadre de la loi PACTE. L’organisation plaidait pour la suppression de l’interdiction de produits phytosanitaires contenant des substances interdites au sein de l’Union européenne. Argument utilisé : la suppression de 2700 emplois directs et plus de 1000 emplois indirects. 

Le sénateur Joël Labbé s’était interrogé sur cette évaluation, d’autant qu’après plusieurs mois, suite à l’entrée en vigueur de l’interdiction, il n’y avait pas eu d’impact social. Le comité a sollicité Phyteis pour obtenir des informations complémentaires. Estimant que les informations demandées n’avaient pas été obtenues, le comité de déontologie a proposé au président du Sénat, Gérard Larcher, de mettre en demeure Phyteis pour manquement à son devoir de probité. Ce qui fut fait le 2 mai 2023.

Concrètement, que signifie cette mise en demeure ? Phyteis est interdit d’accès au Sénat. On ne connaît pas la durée, mais, celle-ci peut durer un an maximum. 

C’est une première et cette décision pourrait faire boule de neige, aussi bien au Sénat qu’à l’Assemblée nationale.