Projet de loi agricole : la politique de Gribouille a encore frappé !

Un extrait de la lettre envoyée par Mathilde Panot à la Présidente de l'Assemblée nationale.
Un extrait de la lettre envoyée par Mathilde Panot à la Présidente de l'Assemblée nationale.

On pensait que le projet de loi pour la souveraineté en matière agricole et le renouvellement des générations en agriculture allait être inscrit à l’ordre du jour et donc, examiné très rapidement par l’Assemblée nationale. C’était avant la réunion de la conférence des présidents de ce mardi 9 avril 2024.

La conférence des présidents de l’Assemblée nationale est l’organe interne de la maison qui règle, entre autres choses, l’agenda de travail. Chaque réunion donne lieu à un relevé des décisions, ce qui permet d’avoir une vue sur les semaines à venir. Le projet de loi agricole ayant été déposé à l’Assemblée nationale, son inscription à l’ordre du jour en conférence des présidents aurait dû n’être qu’une formalité.

C’était sans compter sur La France Insoumise qui a refusé son inscription à l’ordre du jour, au motif que l’étude d’impact méconnaissait les règles de présentation fixées par la loi de 2009 relative à l’application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution

Derrière cette formulation qui peut paraître obscure, il y a une question de fond et de forme. Les projets de loi doivent répondre à certaines exigences, notamment une étude d’impact. Une étude d’impact est une sorte de bilan préalable. Elle doit dire quelles seront les conséquences du texte. Le texte et l’étude sont ensuite envoyés au Conseil d’État pour avis. 

Or, dans son avis, le Conseil d’État indique que l’étude d’impact manque de précision. L’occasion était trop belle pour la rater, La France Insoumise a donc refusé l’inscription à l’ordre du jour, en adressant une lettre à la présidente, reprenant l'argumentation du Conseil d'État.

Mais, un seul groupe ne peut refuser d’inscrire un texte : il y a un vote et c’est la majorité qui l’emporte. Les groupes de gauche et LIOT ont soutenu LFI dans son initiative. Celui qui a tout fait basculer est Olivier Marleix. « Apparemment, Sylvain Maillard [président du groupe Renaissance] a été tellement pénible qu’au moment où Olivier Marleix [président du groupe Les Républicains] a dû se prononcer sur le refus de l’inscription à l’ordre, son attitude l’a convaincu de soutenir la demande de la présidente Panot », raconte une source bien informée.  

Ce n’est pas la première fois que les parlementaires refusent l’inscription d’un texte gouvernemental à l’ordre du jour. Comme le rappelle notre confrère Pierre Januel, cela est déjà arrivé avec le projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2024 à 2030 et portant diverses dispositions intéressant la défense en 2023, par Olivier Marleix. Sous François Hollande, ce fut le cas pour le projet de loi relatif à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral

Était-ce un simple coup politique de la part de La France Insoumise et des autres groupes pour notifier officiellement leurs mécontentements envers un Gouvernement, qui passe systématiquement au-dessus du Parlement ? Non, comme nous l’explique une source chez LFI « soulever l’insincérité de l’étude d’impact et donc, refuser son inscription à l’ordre du jour, cela permet de préparer le terrain en vue d’une éventuelle saisine du Conseil constitutionnel. Lors d’une précédente saisine, l’insincérité de l’étude d’impact avait été soulevée. Mais, le Conseil constitutionnel avait balayé l’argument puisque la conférence des présidents avait accepté l’inscription à l’ordre du jour ». 

Quelle sera la suite ? Il faut saisir le Conseil constitutionnel, soit par la Présidente de l’Assemblée nationale, soit par le Gouvernement. A priori, cela sera fait par le Gouvernement. Il va ensuite examiner la conformité de l’étude d’impact avec les exigences de la loi de 2009. 

Dans les deux précédents, le Conseil constitutionnel avait indiqué que l’étude d’impact était conforme aux exigences de la loi de 2009. La loi sur les régions et de programmation militaire étaient donc reparties devant les chambres. 

LFI a réussi à retarder le calendrier du Gouvernement et à vider l’ordre du jour de la rentrée. Il n’y a plus rien à l’agenda après le 15 mai. Cela peut servir d’avertissement sur un autre texte : le projet de loi sur la fin de vie. Il paraît assez évident que Les Républicains scruteront l’étude d’impact et l’avis du Conseil d’État avec une très grande attention et n’hésiteront pas à repousser l’inscription à l’ordre du jour.  


Remerciements à Fabrice Pozzoli-Montenay d'Entourages pour sa suggestion de titre.