Antiwokisme, manifestations interdites, logos, Twitter Blue : les perles du rapport du déontologue de l’Assemblée nationale

Les perles déontologiques des députés pour l'année 2023 sont de toute beauté.
Les perles déontologiques des députés pour l'année 2023 sont de toute beauté.

Le déontologue de l’Assemblée nationale a publié son rapport d’activité pour l’année 2023 et comme chaque année, on y trouve quelques perles. 

Procédons à quelques rappels ennuyeux avant de détailler les perles. Les députés disposent d’une avance de frais de mandat, communément surnommée AFM. C’est l’équivalent des frais professionnels dans une entreprise privée. Ce n’est pas de l’argent de poche qui vient compléter les indemnités du député. Il doit justifier l’utilisation de cet argent et s’il n’a pas tout utilisé, le restant repart dans le budget de l’Assemblée nationale. 

Le déontologue de l’Assemblée est la personne qui sert de vigie, aussi bien sur l’utilisation des frais de mandat que sur les questions liées à la déontologie des députés. Chaque année, il publie un rapport d’activité. Celui qui correspond à l’année 2023 a été publié aujourd’hui, mercredi 10 avril 2024, aux alentours de 17 h.  

Pas d’argent public pour les manifestations interdites

Lors de certaines manifestations interdites, on avait pu apercevoir des députés, dont certains portaient l’écharpe de leur fonction. Ce que l’on ne savait pas, était qu’il y en avait au moins un qui aurait demandé à être remboursé de ces frais d’hébergement. 

Niet a répondu le déontologue : on ne peut pas utiliser son avance de frais de mandat pour financer sa nuit d’hôtel ou autre, pour aller sur une manifestation interdite. 

Comme de coutume, on ignore qui sont les députés concernés dans le rapport du déontologue, mais, parfois, certains indices se glissent entre les pages. 

Financer des associations, oui quand c’est en lien avec le mandat

Un député peut utiliser ses frais de mandat pour régler sa cotisation d’adhésion à une association dès lors qu’elle [l’association] aurait un lien direct avec le mandat parlementaire du député ou son activité politique. 

Le déontologue a donc estimé qu’un député pouvait utiliser son avance de frais de mandat pour payer sa cotisation à l’association parlementaire contre le wokisme. Créée à l’initiative du député Roger Chudeau, elle réunit plusieurs parlementaires français et européen. 

Note pour les associations : insérer « parlementaires » dans votre dénomination, vous pourrez être financé par l’avance de mandat des députés. 

Influenceur ou député ?

Mais, le déontologue ne se borne pas à regarder l’utilisation de l’argent : il observe aussi la conduite des députés. Ainsi, il leur a rappelé que relayer des cagnottes en ligne n’était pas la meilleure des idées. 

Deux raisons à cela : les cagnottes sont gérées par des services commerciaux, ce qui revient à faire la promotion d’une entreprise, avec le titre de député et les députés n’ont aucune garantie que les sommes iront bien à la cause en question. Nulle mention de la cagnotte de la honte, mais, on se doute que cela fait partie du scope. 

On aurait pu ajouter que les députés ne devraient pas non plus faire la promotion des plateformes de pétition en ligne, gérées par des entités privées. 

Quid de la tech ? Les députés peuvent-ils utiliser l’AFM pour se payer un abonnement à Twitter Blue ou à ChatGPT ? La réponse est oui, car cela rentre bien dans les frais de communication. Concernant Twitter, on apprend qu’un député a perçu des revenus publicitaires de la plateforme, suite à la viralité de ses posts. 

On ne sait pas combien il a touché ni comment la somme est fiscalisée, mais on rêve de savoir de qui il s’agit pour lui poser ces questions. 

Pas touche à Wikipédia

Peut-on utiliser son AFM pour rémunérer un prestataire pour modifier sa page Wikipédia ? Le déontologue le déconseille fortement et va plus loin : il déconseille vivement de vandaliser Wikipédia, rappelant qu’il s’agit d’une encyclopédie en ligne et non d’un espace de communication. 

Les députés sont très adeptes de la vandalisation de Wikipédia et heureusement que les bénévoles veillent au grain

L’Assemblée nationale n’est pas à vendre

Les députés ne sont pas à vendre et cela vaut pour les logos de l’Assemblée nationale. Deux députés ont souhaité créer des maillots d’équipe sportive de leur circonscription, avec le logo de l’Assemblée nationale. 

Refus du déontologue, mais, on salue le fait que les députés ont posé la question avant de le faire. 

Déclarations ? Quelles déclarations ?

Les bonnes pratiques relevant de la déontologie doivent encore faire leur chemin. D’après le déontologue, certains députés ignoraient tout simplement qu’il existait un formulaire de déclaration des dons et des voyages. 

Le formulaire existe depuis un bon moment et on suggère aux députés d’aller faire un stage chez Catherine Couturier et Ségolène Amiot, qui ont pris le pli de déclarer tous les cadeaux reçus. 

Terminé la bamboche ?

Il propose notamment l’interdiction pure et simple des cadeaux excédant 150 €, comme c’est le cas au Sénat et au Parlement européen. Terminé les places de concerts pour Beyoncé et autres places VIP pour assister aux matchs de football. 

En effet, Sabrina Agresti-Roubache a obtenu des places de concerts pour Beyoncé, mais, on note également les belles places pour des matchs de football, obtenues par Damien Abad. Pourquoi ? Comment ? 

Sollicité il y a quelques semaines de cela, le député n’a jamais daigné répondre. 

Conférencier, oui, mais gratuitement

Un autre point intéressant concerne la participation des députés à des conférences payantes. Un député peut-il être conférencier — non rémunéré — pour un évènement dont l’entrée serait payante ? Le déontologue le déconseille formellement pour deux raisons : cela revient à faire de la publicité pour une entreprise privée et à créer une interférence entre des intérêts publics et privés. 

Les collaborateurs, les oubliés

Au chapitre des collaborateurs, on apprend qu’on peut être assistant parlementaire et présider un think tank. Des précautions sont à prendre, mais cela n’est pas strictement interdit pour le déontologue. C’est là que l’on constate que la frilosité des députés à créer un véritable statut des collaborateurs parlementaires se retourne contre eux. 

Ils ont aussi massivement boudé les formations proposées par la cellule anti-harcèlement. Pourtant, vu le turn-over observé chez certains députés, cela pourrait leur être profitable.     

Dans son rapport, le déontologue formule plusieurs recommandations pour améliorer la déontologie chez les députés, mais aussi certains aspects purement pratiques. Reste à savoir si les députés vont saisir l’occasion qui leur est offerte.