Les annonces placebo de Gabriel Attal

Les annonces concernant la santé par Gabriel Attal, ont surtout un effet placebo.
Les annonces concernant la santé par Gabriel Attal, ont surtout un effet placebo.

Lors d’un entretien avec plusieurs titres de la presse quotidienne régionale, le Premier ministre Gabriel Attal a annoncé plusieurs mesures visant à améliorer la prise en charge sanitaire. La plupart d’entre elles existent déjà. 

Communication indigeste

Un jour, une déclaration. C’est ainsi qu’on pourrait résumer l’action de Gabriel Attal depuis sa nomination à Matignon. Mais, pour les annonces sur la santé, pas de débat devant les parlementaires, pas de communiqué ni de conférence de presse. Un simple entretien avec la presse quotidienne régionale a été organisé. À charge pour les autres — dont les citoyens — de trouver l’information. 

Ce n’est que peu avant 20 h, le samedi 6 avril 2024, que le Premier ministre a mis en ligne une infographie avec certaines mesures, sur son compte X (anciennement Twitter)

Pourquoi ne pas avoir profité de la semaine de contrôle au Parlement pour faire ces annonces ? Tout simplement qu’une bonne partie des mesures annoncées existent déjà, ce qui n’aurait probablement pas échappé à la sagacité des parlementaires.

Le recours aux spécialistes sans passer le médecin généraliste : les décrets oubliés par le Gouvernement

Dans son infographie, Gabriel Attal indique « lancement de deux expérimentations dans 13 départements, un dans chaque région et dans nos Outre-mer pour que les patients puissent avoir accès directement à un kinésithérapeute sans ordonnance ». 

Soit exactement le contenu de l’article 3 de la loi portant amélioration de l’accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé, portée par Stéphanie Rist. Cette loi a été définitivement adoptée l’année dernière et publiée au Journal Officiel le 20 mai 2023.

À ce jour, seuls 40 % des décrets nécessaires ont été publiés. Le décret nécessaire à l’application de l’article 3 est toujours en attente.  

Ainsi, cette mesure spécifique, portée par Gabriel Attal attend toujours son décret d’application, ce qui est cocasse pour un texte qui vient de sa majorité. 

Voir un spécialiste directement : déjà possible 

Qu’en est-il des autres spécialistes ?

En réalité, il est tout à fait possible de consulter un spécialiste sans passer par un généraliste au préalable. Comme le mentionne le site de la Sécurité sociale « Vous êtes libre de déclarer ou non un médecin traitant, donc d’intégrer ou non le parcours de soins coordonnés. Cependant, si vous ne respectez pas ce parcours, vous serez moins bien remboursé. Les remboursements hors parcours de soins coordonnés sont en effet moins bien pris en charge ».

Ce qui pose donc un problème est le remboursement par la Sécurité sociale. Ici, la difficulté est double : 10 % des Français n’ont pas de médecin traitant et s’il faut changer les règles du remboursement, il faut faire adopter une loi. 

La taxe-lapin : un passage obligatoire devant le Parlement

Tout comme il faudra faire voter une loi pour la « taxe lapin », ainsi qu’est surnommée la pénalité de 5 € aux patients qui n’honorent pas sans prévenir un rendez-vous. 

L’idée avait été évoquée dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2024. Corinne Imbert, avec l’amendement 272, avait réussi à faire adopter son idée, mais, elle a été expurgée de la version définitive du texte, pour cause d’article 49 alinéa 3. Pourquoi ? 

Reprenons ce que disait Aurélien Rousseau, ministre de la Santé de l’époque « On peut facilement envisager de créer une taxe dite “lapin”, dans le cas où les gens prendraient leur rendez-vous médical via un site internet, comme Doctolib, et ne l’honoreraient pas. Il est plus compliqué de le faire, dès lors que le rendez-vous est pris par téléphone. Nous n’avons pas trouvé la solution ». Il ajoute « il faut traiter le problème dans le cadre de la négociation conventionnelle, car on n’arrivera pas à le faire par un décret en Conseil d’État ». 

C’est pourquoi les députés Renaissance avaient opté pour une idée plus pratique : « donner aux professionnels de santé, si et seulement s’ils le souhaitent, la possibilité de déclarer auprès de l’assurance maladie, l’absence répétée à des rendez‑vous médicaux de tout patient qui ne les aurait pas prévenus au moins 24 heures avant les rendez‑vous ». À charge pour l’assurance-maladie de gérer une éventuelle pénalité. Déposée le 13 février 2024 à l’Assemblée nationale, le texte est renvoyé à la commission des affaires sociales, mais, n’est toujours pas programmé. 

Il n’y a pas que pour la « taxe lapin » et le remboursement des soins d’un spécialiste sans médecin traitant qu’il va falloir un véhicule législatif.

Doublement des places en médecine : où caser les étudiants ?

Gabriel Attal annonce le doublement des places en faculté de médecine d'ici à 2027. Or, si le numerus clausus a disparu, dans les faits, rien n’a changé : il n’y a pas assez de places dans les universités pour accueillir les étudiants. 

Même si l’agence régionale de santé (ARS) décrète qu’il faut plus d’étudiants en médecine, les facultés ne peuvent pas pousser les murs. Ce qui signifie qu’il faut augmenter le financement des universités. Ce qui doit passer par une loi de finances. Par ailleurs, pour former des médecins, il faut des enseignants et des médecins maîtres de stages, ainsi que des hôpitaux. Sur le terrain, des manques sont constatés. 

Les antibiotiques sans prescription : une mesure déjà en place, mais peu connue

En fait, la seule véritable mesure qui peut vraiment être prise du jour au lendemain est la prescription d’antibiotiques par les pharmaciens, pour les cystites et les angines. Car, cela existe déjà. Il s’agit d’un décret du 12 janvier 2021, qui a été pris au moment de l’épidémie de COVID. Comme le rappelle Libération, il y avait des expérimentations. 

Même chose pour la rectification des verres sans passer par un ophtalmologue : cela est déjà possible depuis 2007.

Quant aux déploiements sur l’ensemble du territoire des services d’accès aux soins (SAS), il s’agit de la continuer du plan prévu par le Ségur de la santé. Comme l’indique le site du ministère de la Santé « Après une phase pilote menée par 22 SAS dans 13 régions différentes, une généralisation progressive du dispositif à l’échelle nationale est prévue courant 2024 ». 

Est-ce dire qu’il n’y a aucune véritable annonce novatrice ? En réalité, il y a deux mesures qui sont réellement neuves : la facilitation du soutien psy et son extension.

On comprend mieux pourquoi le Premier ministre, au lieu d’une véritable conférence de presse, d’un communiqué de presse ou d’un débat devant les parlementaires, a préféré opter pour une infographie indigeste, publiée un samedi soir, dans l’indifférence générale.