Eurodéputés actifs et gros paresseux : le classement de l’activité des députés européens français

La IXe législature se termine : il est temps de faire le bilan de l'activité des eurodéputés français.
La IXe législature se termine : il est temps de faire le bilan de l'activité des eurodéputés français.

On le sait : le bilan d’un parlementaire ne peut pas être uniquement basé sur des métriques. Elles paraissent arbitraires, injustes, méconnaissent le travail en circonscription et ne tiennent pas compte des impératifs d’agenda. 

Sauf que ce qui s’entend raisonnablement pour les députés et sénateurs français n’est pas valable pour les députés européens. 

En effet, contrairement à leurs camarades nationaux, les eurodéputés français connaissent leur agenda très en avance, ont des moments sanctuarisés pour être présents en séance plénière, ont des moyens plus élevés, notamment pour embaucher des collaborateurs. Ils sont aussi mieux indemnisés. Joie supplémentaire : le Parlement européen a la culture du consensus, ce qui évite les crises de nerfs et il est assez rare d’y siéger jusqu’à minuit. Par ailleurs, la pression médiatique y est bien moindre. Pour être heureux, soyez député européen. 

Tous les citoyens européens vont être appelés aux urnes entre le 6 et le 9 juin 2024 pour choisir leurs représentants. Il était temps de faire un bilan chiffré du travail de nos députés européens. 

Absence d’open-data et décompte manuel

Comment se représenter le travail des députés européens quand l’institution ne fournit aucun fichier en open data ? Il faut procéder à un décompte manuel de chacune des activités indexées sur les pages des élus. 

On distingue les activités parlementaires principales, les autres activités parlementaires, la participation aux scrutins publics et les fonctions spécifiques : président de commission, de délégation, questeur, président ou membre du bureau du groupe parlementaire. 

On doit aussi différencier les activités liées au groupe parlementaire et celles qui relèvent exclusivement du député. Les interventions en séance plénière sont arbitrées au sein des groupes parlementaires. Il en va de même pour les rapports dits fictifs, les avis fictifs, les propositions de résolution et les questions orales. Ces dernières sont les cousines européennes de nos Questions au Gouvernement. 

Point de vocabulaire : quand un député obtient un rapport ou un avis, c’est parce que cela a été décidé en commission, comme nos rapporteurs au fond à l’Assemblée nationale ou au Sénat. 

On dit d’un député européen qu’il est rapporteur fictif quand il est choisi, au sein d’une commission ou d’une délégation, par son groupe parlementaire, pour porter l’expression de son groupe. En France, le terme n’existe pas. 

Les scrutins publics, les explications de vote écrites et les propositions individuelles de résolution sont des initiatives parlementaires personnelles. Un député européen n’a pas besoin de son groupe et peut parfaitement être très productif dans ces matières. Certains ne s’en privent pas. 

Méthodologie

Les députés européens français ont été indexés dans trois tableaux : activités parlementaires principales (sur 7), autres activités parlementaires (sur 3), participation aux scrutins publics (sur 6). Une fois le décompte effectué, une médiane de l’activité a été établie. Si le député a produit l’équivalent de la médiane par matière ou plus, il obtient un point. Un point bonus a été ajouté pour les députés ayant des fonctions spécifiques évoquées précédemment. Cela donne une note sur 17, ramenée à 20, pour plus de lisibilité. 

Certains députés européens ont fait moins d’une moitié de mandat : ils ne peuvent pas être analysés comme les autres. C’est le cas de Catherine Amalric, Patricia Chagnon, Christophe Clergeau, Marie Dauchy, Guy Lavocat, Lydie Massard, Marina Mesure, Éric Minardi, Max Orville, Laurence Sailliet et François Thiollet. Ils n’ont donc pas été pris en compte pour la notation par groupe et n'ont pas été évalués individuellement. 

Pour les scrutins, ce sont les relevés par appel nominal qui ont été pris en compte et non les listes de présence. Il est apparu que certains députés avaient été oubliés dans les listes de présence alors qu’ils étaient présents et qu’ils ont voté. 

Pour les dates, les scrutins ont été pris en compte du début du mandat au 29 février 2024 inclus. Pour les travaux parlementaires, la date de départ est le début du mandat et la date de fin est le dimanche 10 mars 2024.

Les bonnes élèves

Le podium de tête est occupé par quatre femmes : Marie-Pierre Vedrenne (Renew), Fabienne Keller (Renew), Anne-Sophie Pelletier (GUE/NGL) et Caroline Roose (Verts). Marie-Pierre Vedrenne obtient la note de 19/20. Fabienne Keller, Anne-Sophie Pelletier et Caroline Roose ont obtenu la note de 18/20. 

Les eurodéputés fictifs

Elles sont deux députés européennes ex aequo sur la dernière place : Nadine Morano du PPE avec 2/20 et Maxette Pirbakas (anciennement Identité et démocratie, actuellement non inscrite). 

Elles sont suivies par Philippe Olivier (Identité et démocratie) et Gilbert Collard avec 4/20 (anciennement Identité et démocratie, actuellement non inscrit), Brice Hortefeux (PPE) et Jean-François Jalkh (Identité et démocratie) avec 5/20. 

Concernant les eurodéputés non-inscrits français, aucun n’était non inscrit en début de mandat : ils étaient tous dans le groupe Identité et démocratie. Par ailleurs, rien n’empêche de participer aux scrutins et de déposer des explications de vote écrites. Encore faut-il y participer. Ainsi, Gilbert Collard et Jean-François Jalkh affichent un taux de participation aux scrutins publics 2024 de 0 %

Le palmarès par groupe parlementaire

Sans surprise, ce sont les députés non-inscrits qui ont la plus petite note : 5,29/20.

Ils sont suivis par le seul député du groupe des conservateurs, Nicolas Bay, dont la note est de 6/20, puis du PPE avec 8,40/20. 

Le groupe Identité et démocratie franchit à peine la ligne de la moyenne avec 10,75/20.

L’alliance progressiste fait un peu mieux avec 12.16/20, suivi de Renew avec 12.76. 

Les Verts affichent une note globale de 14,24/20 et le groupe GUE/NGL obtient la note de 15,53/20. 

L’année 2021 : le record d’assiduité en séance plénière

L’année 2021 se distingue par sa forte participation des députés européens français aux scrutins. En effet, la médiane de participation est à 100 % et 43 députés sur 63 ont participé à 100 % des scrutins. Même chose chez les 5 députés européens, arrivés en 2020. 

À l’inverse, il y a un décrochage en 2023, avec une médiane à 78,95 % qui est la participation la plus basse. 

Les records par catégories

Manon Aubry détient le record de contribution en séance plénière avec 180 interventions.

Younous Omarjee prend la tête du nombre de rapports en tant que rapporteur, avec 13, ainsi que le nombre de rapports en tant que rapporteur fictif avec 209.

Pascal Canfin est le plus grand producteur d’avis avec 45, mais c’est Dominique Bilde qui est en tête du nombre d’avis en tant que rapporteur fictif avec 42.

Bernard Guetta est celui qui a signé le plus de résolutions, avec 329. Enfin, c’est encore Younous Omarjee qui a posé le plus de questions orales, à savoir 20. 

Jean-Paul Garraud est le plus grand producteur de questions écrites, avec 283 et c’est encore Dominique Bilde qui a écrit le plus de résolutions individuelles, 56 en cinq ans.

Quant aux explications de vote écrites, qu’il a fallu décompter à la main, c’est Gilles Lebreton qui en a produit le plus : 1518. 

Pour la participation aux scrutins, sur l’ensemble du mandat, c’est Fabienne Keller qui domine avec 98,04 %. 

Le bilan des têtes de liste

Valérie Hayer sera la tête de liste de la majorité présidentielle pour les élections européennes de 2024. Elle obtient la note de 16/20. Elle a fait 99 interventions en séance plénière, a produit 12 rapports et 5 rapports en tant que rapporteur fictif, 6 avis et 9 avis en tant que rapporteur fictif, 11 résolutions et 4 questions orales.

Dans les activités parlementaires principales, elle est au-dessus de la médiane dans toutes les catégories, sauf les résolutions. 

Elle a posé 42 questions écrites, pris une résolution individuelle et fourni 301 explications de vote. Quant aux scrutins, elle a une participation globale de 94,52 % depuis le début de son mandat. 

Elle est à égalité avec Manon Aubry, probable tête de liste pour La France Insoumise, avec la note de 16/20. En dehors de ses 180 contributions en séance plénière, elle a produit 5 rapports et 25 rapports en tant que rapporteur fictif, 9 avis et 35 avis en tant que rapporteur fictif, 47 résolutions et posé 9 questions orales. 

Elle a aussi déposé 78 questions écrites, pris trois résolutions individuelles et 1415 explications de vote écrites. Ce sont les scrutins qui l’ont mise à égalité avec Valérie Hayer. Sa participation globale est de 90,46 %. 

Marie Toussaint, tête de liste pour les Verts, obtient une note globale de 14/20. On dénombre 79 contributions en séance plénière, 3 rapports en tant que rapporteur, 21 rapports en tant que rapporteur fictif, un avis et un avis en tant que rapporteur fictif, 31 résolutions et 15 questions orales. 

Elle a déposé 129 questions écrites, pris 2 résolutions individuelles, mais elle n’est pas fan des explications de vote écrites : elle n’en a déposé qu’une seule. Sa participation globale aux scrutins est de 86,43 %.

Elle est à égalité avec François-Xavier Bellamy, qui décroche aussi 14/20. Il est plus bavard en séance plénière avec 112 interventions. Il a produit deux rapports en tant que rapporteur, sept rapports en tant que rapporteur fictif, donné quatre avis et sept avis en tant que rapporteur fictif. Il est moins adepte des résolutions avec seulement huit et des questions orales avec six. Il se rattrape avec les questions écrites, au nombre de 61 et a déposé une proposition individuelle de résolution et une explication de vote écrite. Sa participation globale aux scrutins est de 91,29 %. 

Raphaël Glucksmann obtient un 13/20. Il a perdu des points en raison de sa participation en dessous de la médiane en 2021 et en 2024, mais un point bonus pour sa présidence à la tête de la commission spéciale sur les ingérences étrangères. Cette fonction l’a occupé pendant la majeure partie de son mandat. 

Jordan Bardella obtient une note globale de 11/20. Il enregistre 75 contributions en séance plénière, un seul rapport en tant que rapporteur fictif et une seule question orale. Il a posé 156 questions écrites, pris 11 résolutions individuelles et déposé 753 explications de vote écrites. Sa participation globale aux scrutins est de 80,37 %. Des têtes de liste déclarées, déjà titulaires d’un mandat européen, c’est le plus mauvais élève. 

Un problème global de lisibilité et de transparence

Les Français ont l’habitude des classements de députés nationaux. L’Assemblée nationale s’est mise à l’open data depuis de nombreuses années. Le Parlement européen n’en est qu’à ses débuts. Il est impossible de faire une médiane sur l’ensemble des eurodéputés pour se faire une idée de l’ensemble de la production et la comparer avec les députés européens français. 

Les listes de vote nominatives ne sont pas non plus pleinement exploitables, car ne permettent pas de trier par pays, afin de dégager une position par groupe en fonction des sujets. 

Enfin, il est important de souligner que la pédagogie sur les travaux des commissions est quasiment nulle. 

Gageons que la prochaine législature travaillera sur ce sujet. Vous pouvez retrouver l’ensemble des fiches dans le PDF ci-joint


Mise à jour du mercredi 13 mars 2024 à 14 h 40 :

Pour une raison inconnue, les explications de vote écrite de Stéphane Bijoux n'avaient pas été prises en compte. Le document PDF a été mis à jour. 

Pour les anciens députés européens qui ont quitté leur mandat : dans la mesure où ils sont députés ou sénateurs, cela ne paraissait pas pertinent de les inclure. Par ailleurs, les explications de vote écrites n'étaient pas affichées en totalité sur le site du Parlement européen.